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La BD franco-belge : une littérature antiesclavagiste ?
In octavo conforme aux autres titres sur la bande dessinée publiés par la maison Karthala, désormais regroupés dans la collection Esprit BD, qui dispose pour l'occasion de son propre logo. Couverture souple (on n'est pas obligé d'apprécier la première de couverture), dos carré à l'intérieur duquel les cahiers sont collés. L'intérieur est monochrome. Le pavé de texte est homogène et efficace, et les paragraphes systématiquement séparés par une ligne blanche. Les nombreuses notes (essentiellement des références de textes) renvoient en bas de page. Les illustrations sont toujours des cases isolées, reproduites sur toute la largeur du pavé de composition et occupant, avec leur légende (sources et dates) la page entière. Le procédé est plutôt efficace, et toutes ces images sont bien lisibles, même si leur reproduction a été faite d'après des documents imprimés et non des originaux. Pas d'index.
Introduction p. 5
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1. L'antiesclavagisme, attribut naturel des héros « classiques » p. 13
. Tintin et Spirou en première ligne ! p. 14
. De Marc Dacier à Barbe Rouge en passant par Fred Morgan p. 19
. Figures historiques émancipatrices en cases et en bulles p. 34
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2. Un discours simpliste, empreint de colonialisme p. 55
. Héros francophones généreux contre négriers étrangers pervers ! p. 57
. Les esclaves, simples objets de compassion ? p. 93
. Un reflet du discours colonial belgo-français p. 114
. L'Église catholique disculpée ? p. 148
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3. Les années 1980-2010 : renouvellement et diversification p. 159
. Les Passagers du Vent : une rupture essentielle ? p. 162
. Succès des aventures historiques documentées p. 175
. Une veine moins réaliste, souvent engagée p. 184
. Histoire prétexte et nostalgie de l' « âge d'or » p. 193
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Conclusion p. 198
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Sources p. 211
Bibliographie p. 217
Table des matières p. 225
Depuis les années 1940, la bande dessinée franco-belge a régulièrement stigmatisé la traite des Noirs et l'esclavage colonial. Deux de ses héros les plus fameux ont ainsi affronté, presqu'au même moment, de redoutables négriers : Tintin dans Coke en Stock et Spirou dans Le Gorille a bonne mine. D'autres aventuriers de papier les avaient précédés, ou les suivent : Jean Valhardi, Marc Dacier, Barbe-Rouge... Et le thème connaîtra une certaine postérité, à travers une série à succès comme « Les Passagers du vents », ou encore la récente adaptation d'un roman d'Eugène Sue : Atar Gull.
Mais, selon les époques, l'antiesclavagisme en bande dessinée ne s'appuie pas sur les mêmes fondements idéologiques. Au cours des années 1940-1960, les éditeurs et les auteurs paraissent être influencés par tout un discours de propagande, qui met en avant la « mission civilisatrice et émancipatrice » de la Belgique ou de la France. Maintes vignettes font écho à une imagerie à la fois abolitionniste et paternaliste diffusée depuis la fin du XVIIIe siècle. À partir des années 1980, en revanche, l'antiesclavagisme en cases et en bulles vient puiser ses racines dans l'anticolonialisme, dans une dénonciation des excès de la domination française ou belge...
Au final, cet ouvrage revient sur un pan important de l'histoire de la bande dessinée francophone, mais il permet aussi d'appréhender de manière originale la pensée européenne sur l'asservissement des Africains.
Philippe Delisle est professeur d'Histoire contemporaine à l'Université Jean Moulin de Lyon. Après avoir étudié la vie religieuse dans les sociétés esclavagistes antillaises, il s'est orienté vers l'analyse de la propagande coloniale et missionnaire à travers la bande dessinée franco-belge.
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