Pays : France, Paris
Editeur : Karthala
Collection : Esprit BD
Année d'édition : 2016
Première édition : 2016
382 pages
13,5 x 21,5 cm - 500 gr
Langue : Français
ISBN : 9782811116699
Si cet ouvrage universitaire, regroupant les interventions d'une journée d'étude tenue deux ans plus tôt, a été élaboré sous la direction de Tristan Martine, la figure qui s'en détache est plutôt celle de Danièle Alexandre-Bidon. Elle signe a elle seule cinq des quatorze articles qui composent le livre. De plus, elle est remerciée dès la première ligne du texte de Magali Janet et dans la seconde note du chapitre écrit par Florence Plet-Nicolas. C'est que cette chercheuse, docteur en histoire et qui « s'intéresse de longue date à la bande dessinée », dispose d'une bibliothèque de BD sur la Moyen Âge particulièrement bien dotée, doublée d'une base de données informatisée sur la question. Un outil qui lui permet d'identifier rapidement de nombreuses références, mais également d'établir des statistiques. Malheureusement, si l'outil est précieux, il ne semble pas produire de résultat plus sophistiqués qu'une comparaison entre les acquis de la recherche historique et la vision du passé que propose généralement la bande dessinée. Une comparaison qui n'est guère à l'avantage du 9e art. C'est finalement un des reproches que l'on peut faire à l'ouvrage de trop souvent se contenter de remettre les pendules à l'heure au détriment de la vision fréquemment fantasmée qu'ont les artistes de BD du Moyen Âge. L'exercice se contente de cette réprimande, qui, venant de hauts représentant de l'Université, rappelle un petit goût amer qui remonte déjà, pour le coup, à quelques temps.
Mais tout n'est pas à l'avenant, et plusieurs textes parviennent à dépasser la gentille raillerie. Il en va notamment ainsi de l'étude de Florence Plet-Nicolas sur les apparitions du couple Tristan et Yseut dans le 9e art. Ne se bornant pas à l'examen de l'adéquation entre ces interprétations et le célèbre texte, elle procède à une analyse littéraire sans se priver d'un avis personnel sur la qualité des bandes dessinées abordées. De la sorte, c'est un dialogue profitable qui s'installe entre l'historien et la bande dessinée, le premier ne se bornant pas à juger avec supériorité la pertinence du second. On recommandera également la lecture de l'entretien final. Très orientée, cette conversation menée par Tristan Martine avec une historienne (Geneviève Bührer-Thierry), un éditeur (Cédric Illand) et un dessinateur (Christophe Regnault), montre bien les enjeux d'une collection historique, en l'occurrence celle co-éditée par Glénat et Fayard (« Ils ont fait l'histoire »).
In octavo conforme aux autres ouvrages de la collection Esprit BD de Karthala. Couverture souple, dos carré sur lequel les feuilles, coupées, sont collées. L'ouvrage est imprimé en couleur, ce qui profite aux nombreuses illustrations. Ces dernières occupent une page entière avec leur légende. Quelques fois, deux illustrations sont regroupées sur la même page. Quant au texte courant, il coule sur une colonne et adopte plutôt les usages de la composition universitaire ou bureautique que ceux de l'édition : long renfoncement de paragraphe, y compris juste après un titre, pratique de la ligne blanche pour séparer tous les paragraphes, etc. Les notes, abondantes dans ce type d'ouvrage, sont renvoyées en fin de chapitre, autrement dit après chaque article, puisque Le Moyen Âge en bande dessinée, dont la direction revient à Tristan Martine, regroupe une série d'interventions tenues à l'occasion d'un colloque. Manque un index.
Introduction [Tristan Martine] p. 9
.
PREMIÈRE PARTIE : SORTIR LE MOYEN ÂGE DE SES CASES p. 25
. 1. Seigneurs et paysans médiévaux, ou la lutte des classes dans la bande dessinée [Danièle Alexandre-Bidon] p. 27
.. Le rat des ville contre le rat des champss : une histoire du temps présent p. 27
.. Noblesse et cruauté : le mauvais seigneur comme métaphore de l'Occupation ? p. 34
.. Une culture de l'exagération et du rire p. 38
.. Un héro laborieux, pauvre et honnête p. 40
.. Rébellions paysannes : ancestralité et légitimité p. 41
. 2. « Il était une fois un château magnifique...»: imaginaire d’un lieu de pouvoir dans la bande dessinée [Danièle Alexandre-Bidon] p. 49
.. Château, tour, castel, manoir... p. 53
.. Un catalogue d'archétypes p. 57
.. Les formes du château p. 58
. 3. Moines ripailleurs et saints exemplaires: le clergé médiéval dans la bande dessinée [Tristan Martine] p. 69
.. Des clercs exemplaires : une vision catholique lénifiante p. 71
.. Des moines paillards : une vision humoristique ou anticléricale p. 76
.. Sadiques et criminels : des ecclésiastiques violents p. 80
.. Des femmes d'Église peu visibles p. 86
.. Faible clergé ? p. 88
. 4. Gentes dames et fortes femmes : la femme médiévale dans la bande dessinée [Danièle Alexandre-Bidon] p. 98
.. Histoires tirées par les cheveux p. 103
.. Des femmes en stand-by p. 104
.. La femme : une héroïne domestique p. 108
.. Hot Moyen Âge p. 112
. 5. La sorcière dans la BD médiévaliste : fantasmes, stéréotypes et détournements [Maxime Perbellini] p. 119
.. Penser l'image de la sorcière au-delà du Moyen Âge p. 122
.. Représenter les sorcières dans la BD : essais de typologie p. 124
.. Des sorcières d'hier et d'aujourd'hui : remploi et intertextualité p. 130
.. « Tu ne laisseras point vivre la sorcière » : condamnation et détournement p. 132
.. Parodie, renversement et subversion. La sorcière pour le meilleur et pour le rire p. 134
.
DEUXIÈME PARTIE : DES BULLES EN MOUVEMENT p. 143
. 6. Faire parler le Moyen Âge : de la bande sonore dans la BD médiévalisante [Alain Corbellari] p. 145
. 7. À la conquête du 9e art : la Tapisserie de Bayeux [Danièle Alexandre-Bidon] p. 163
.. Une œuvre qui ne fait pas tapisserie p. 166
.. Un combat politique p. 169
.. Montages et découpage p. 170
.. Détournements et parodies p. 172
. 8. Violence, Moyen Âge et bande dessinée : le cas de la guerre de Cent Ans [Aymeric Landot] p. 181
.. Âge de violence, violence des dessins p.187
.. La violence comme scène de genre d'une époque fantasmée p.193
.. « Le nouveau Moyen Âge » p. 197
.
TROISIÈME PARTIE : FIGURES p. 207
. 9. Une réécriture du mythe par la bande dessinée : le Godefroid de Bouillon de Jean-Claude Servais [Magali Janet] p. 209
. 10. Tristan et Yseut en bande dessinée : tentatives d’acclimatation d’un mythe subversif [Florence Plet-Nicolas] p. 231
. 11. Robin Hood, ou comment la BD contribue à la construction d’un mythe moderne [Danièle Alexandre-Bidon] p. 253
.. La rançon du succès p. 257
.. rebelle et résistant p. 259
.. Entre 7e et 9e art p. 262
.
QUATRIÈME PARTIE : REGARDS D’AUTEURS p. 273
. 12. Être djinn à la place du calife : l’Islam médiéval en bande dessinée. L’exemple du Sourire des marionnettes de Jean Dytar [Carole Mabboux] p. 275
.. Du souk au harem, un monde de conflits et de fantasmes p. 280
.. Conteurs et historiens : raconter à la manière de... p. 286
.. La planche comme prolongement du manuscrit médiéval p. 289
. 13. De l’Antiquité d’Alix au Moyen Âge de Jhen: Jacques Martin explore le temps [Julie Gallego] p. 301
.. Jehn, le troisième héros de Jacques Martin ? p. 304
.. Redonner vie au Moyen Âge par les dessins, mais aussi par les mots p. 310
. 14. Comment faire de la bande dessinée historique médiévaliste : Entretien avec G. Bührer-Thierry, C. Illand et C. Regnault Mené par Tristan Martine p. 323
.
Conclusion : La bande dessinée médiévaliste : un avenir pour la médiévistique ? [Tristan Martine] p.359
Les auteurs p. 369
Table des matières p. 375
L’Antiquité possède Alix, la période moderne a L’Épervier et Les Passagers du Vent, la période contemporaine se retrouve dans Maus ou chez Tardi. Le Moyen Âge serait-il le parent pauvre de la bande dessinée ? Il existe bien quelques œuvres marquantes, de Prince Vaillant aux Compagnons du Crépuscule, en passant par Vasco et Les Tours de Bois-Maury, mais elles ont moins imprégné l’imaginaire collectif et nos images mentales du Moyen Âge sont d’abord tirées de films, comme Le Nom de la rose par exemple.
Écrit par un collectif d’historiens, cet ouvrage explique en quoi la période médiévale a pu inspirer les auteurs du monde entier. Si la medieval fantasy est le genre qui est le plus en vogue actuellement (Thorgal), la bande dessinée historique reste très présente. Il s’agit alors de recontextualiser cette production : comment la bande dessinée a-t-elle instrumentalisé le Moyen Âge pour faire passer des messages politiques, qu’ils soient chrétiens ou anticléricaux, fascistes, écologistes, féministes ou communistes ? Depuis les années 1980, le lectorat visé étant plus diversifié et moins politisé, c’est un tout autre Moyen Âge qui est représenté par des auteurs qui se documentent davantage pour recréer des décors, une langue et des situations qui paraissent crédibles. Mais la vision qui en est donnée est globalement très sombre : du beau Moyen Âge de preux chevaliers, on passe à un monde crépusculaire qui peut, en creux, faire réfléchir sur notre société contemporaine.
À côté d’articles de synthèse, cet ouvrage fait la part belle à l’analyse détaillée d’œuvres très diverses, du Godefroid de Bouillon, de Servais, au Sourire des Marionnettes, de Jean Dytar, tout en donnant la parole aux auteurs de bande dessinée par le biais d’entretiens.
Tristan Martine est agrégé d’histoire. Actuellement chercheur en résidence à l’Institut Franco-Allemand de Sciences Historiques et Sociales (Francfort), il prépare une thèse en histoire médiévale (Université Paris Est Marne-la-Vallée / Université de Lorraine). Il a fondé et dirige le Laboratoire Junior Sciences Dessinées de l’École Normale Supérieure de Lyon, consacré à l’étude des rapports entre sciences et bande dessinée.
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