Les super-héros

« Interroger la norme, la représentation, les poncifs, au-delà de leur apparente évidence, la construction sociale qui les sous-tend » : c'est ainsi qu'est posé le projet de la collection « Nouvelles mythologies » dès la page de garde. Ce court essai de Vincent Brunner, dont le titre annonce la focalisation sur la branche comic book de la littérature américaine, et plus précisément celle concernant les super-héros, voit donc sa mission fixée immédiatement. Cela étant, le sous-titre « Un panthéon moderne » en précise l'approche. Pourtant, on décèle d'emblée une contradiction : considérer les super-héros comme l'expression moderne du sentiment religieux, y voir une nouvelle mythologie n'est-ce pas précisément participer à un poncif de la littérature savante et analytique de la bande dessinée ? Par ailleurs, l'auteur choisit la facilité et consacre les deux premiers tiers de son livre à un rapide aperçu de l'histoire des comic books, avec un résultat très mitigé, car le format de l'ouvrage (celui de l'essai percutant) ne permet guère de s'étendre. Brunner produit donc une vulgarisation très succincte qui ne pourra intéresser qu'un lecteur vraiment peu au fait de la littérature de super-héros. Alors qu'il aurait fallu empoigner la problématique sans attendre, c'est seulement à l'approche de la centième page que l'on rentre dans le vif du sujet, pour un développement qui reste très ténu et une argumentation faible. Ainsi, pour accréditer sa théorie selon laquelle les super-héros « ont acquis un statut supra national, celui de représentants de l'humanité » (comprendre par là qu'ils accèdent à la divinité ou au statut de mythe), Vincent Brunner cite-t-il les commentaires de trois émissions radiophoniques à l'occasion de la sortie du film Wonder Woman. En définitive, Les super-héros, un panthéon moderne semble plus un titre prétexte, destiné à compléter une collection, qu'une véritable réflexion sur l'objet qu'il s'est donné.