Krazy Kat - George Herriman

Une vie en noir et blanc

Pays : France, Montreuil

Editeur : Les Rêveurs

Année d'édition : 2018

Première édition : 2016

532 pages

16 x 23 cm - 1 150 gr

Langue : Français

ISBN : 97910914476874

  • -5%
Krazy Kat - George Herriman - Couverture et dos - (c) Stripologie.com
  • Krazy Kat - George Herriman - Couverture et dos - (c) Stripologie.com
  • Krazy Kat - George Herriman - Pages intérieures - (c) Stripologie.com

C’est un bel ouvrage que nous propose Les Rêveurs, à l’image des bandes dessinées que cette maison publie par ailleurs. Ayant notamment mis à disposition du public francophone une superbe édition en quatre volumes des planches du dimanche de Krazy Kat, dont la traduction, également de Marc Voline, a été remarquée, l’éditeur installé à Montreuil a voulu accompagner cette réédition d’un grand classique d’une biographie éclairant le parcours de son auteur, George Herriman.
Le livre, d’une épaisseur respectable, est fermé d’une couverture fortement cartonnée à l’élégant dos rond, recouverte d’une jaquette et dotée d’un marque-page. La tranchefile, incontournable sur un ouvrage de cette ambition, est également aux couleurs du livre, puisqu’elle est rayée de noir et de blanc. À l’intérieur, le pavé de texte central est bien installé entre ses marges. La force des caractères assure une densité très plaisante : l’œil ne reste pas stationnaire sur la page, et les feuillets se tournent à bon rythme, ceci expliquant également les plus de cinq cents pages.
Les notes sont de deux types. Certaines, qui complètent le texte principal, sont accessibles dès le bas de la page où se trouve l’appel. En revanche, toutes les sources des citations et les références à d’autres textes figurent en fin d’ouvrage, seulement identifiées par leur numéro de page. On précisera que ces dernières notes ne sont pas appelées : c’est au lecteur de décider s’il faut aller vérifier ou non leur présence.
Le livre est illustré, mais modérément. Toutes les reproductions sont brièvement légendées du titre de l’œuvre citée et de sa date de publication. Un cahier photo de seize pages, imprimés sur du papier glacé, prend place aux deux tiers du livre. Une bibliographie détaillée et un index tout aussi fourni achèvent l’ouvrage.
Impossible de terminer cette description du livre sans se désoler de son défaut de finition. Non pas en termes de production, car en la matière l’objet semble bien conforme aux souhaits de l’éditeur, mais plutôt en ce qui concerne le texte. Celui-ci est émaillé de coquilles et fautes trop nombreuses pour être passées sous silence. Ce sont des omissions de signes typographiques, mais aussi des erreurs inexcusables pour un livre dont l’aspiration qualitative, la volonté de se poser comme une référence, sont manifestes dès la prise en main (ainsi par exemple un « mes » en lieu et place d’un « mais »). De toute évidence, le livre a été réalisé trop rapidement et la relecture a été mal faite : c’est ce qui explique encore les trous dans l’index (auteurs cités dans le texte, non référencés dans l’index), ou la double mention d’Eddy Campbell dans les remerciements (mais peut-être y a-t-il deux E. Campbell après tout).

Notule de Harry Morgan et Manuel Hirtz (sur l'édition originale américaine) :

Tentative de biographie de George Herriman, sous la forme d’un bottin de plus de 500 pages. La difficulté est que l’on dispose de peu de matériel biographique sur le grand cartoonist, ce qui conduit l’auteur, qui fait flèche de tout bois, à décrire les architectures des immeubles qui ont accueilli Herriman, ou à raconter par le menu les événements sportifs ou mondains qu’il a illustrés en tant que dessinateur de presse. Dans un tel contexte, la production graphique de George Herriman est exploitée d'une triple façon. Premièrement, les bandes dessinées de George Herriman sont décrites et racontées en détail, mais jamais reproduites in extenso, ce qui empêche le lecteur non spécialiste de juger de la part d'interprétation que contient la paraphrase de M. Tisserrand. En second lieu, les dessins privés faits par Herriman pour des amis, sa famille, etc., sont eux aussi décrits par le menu, quoique de façon laxiste, et sont utilisés comme une source archivistique pour documenter la vie du grand cartoonist, le résultat étant qu'une importance démesurée est accordée à des événements privés ou mondains, telle visite, telle sortie faites en commun, telles vacances prises à tel endroit. Troisièmement – et c'est là le plus problématique –, l'ouvrage est émaillé au fil des pages de cases de Krazy Kat qui sont dispensées, elles, de tout commentaire, mais qui sont censées faire écho au propos de M. Tisserrand. Le statut de ces citations de l'œuvre n'est donc jamais éclairci, mais on peut penser que, dans l'esprit de l'auteur, elles constituent une sorte de preuve par l'œuvre de la validité de ses assertions ou de ses hypothèses.
Ces utilisations originales de l’ekphrasis et de l'illustration sont mises au service d’une thèse particulièrement contestable qui est celle d’une origine afro-américaine de George Herriman, thèse qui est étayée sur de maigres données généalogiques et qui est ensuite reprise sous forme de variations à partir d’interprétations du matériau biographique et du matériau iconographique, consolidées par les citations de cases. Ainsi revisitée, la vie de Herriman devient celle d’un homme de couleur qui franchit la barrière raciale, en cachant soigneusement ses origines, sur le modèle du personne de Coleman Silk dans le roman de Philip Roth The Human Stain. Or tout indique que, en admettant que Herriman ait jamais été au courant de sa prétendue origine africaine, il ne s’en est en tout cas jamais soucié le moins du monde, au point que, dans son métier de dessinateur mais aussi dans ses activités sociales, il multiplie les caricatures mettant en scène des noirs, ou bien se met lui-même en scène en blackface, toutes choses qu’un afro-américain « passant » pour blanc aurait évidemment fui comme la peste.
Du coup, les démonstrations de Tisserrand apparaissent largement gratuites, pour ne pas dire tirées par les cheveux. Par exemple, le combat de boxe entre le champion noir Jack Johnson et le champion blanc Jim Jeffries, abondamment commenté sous forme graphique par un Herriman qui dessine pour la page sportive des quotidiens de Hearst, devient pour Tisserrand un retour du refoulé racial chez le dessinateur. Et lorsque naît Krazy Kat, sous le strip The Dingbat Family, le lancer de brique par la souris à destination du chat est décrit de façon absolument discrétionnaire comme reprenant le même motif du combat et évoquant par conséquent la même problématique raciale.
À la fin de l’ouvrage, la simple accumulation de faits biographiques qui sont entièrement étrangers à cette problématique confère à la thèse que l’auteur s’obstine à soutenir les allures d’une franche lubie. Ainsi, un malheureux jeu de mot sur l’orthographe du patronyme d’un personnage, Simeon ou Simian (simiesque), ne peut être pour Tisserrand qu’une nouvelle allusion à un « secret de famille », avec un fort relent d’humour « minstrel ».

L'ouvrage de Michael Tisserrand en dit sans doute beaucoup plus sur le climat intellectuel de la société américaine contemporaine, à l'ère de la politique identitaire (identity politics), que sur un grand cartoonist qui est aussi tout simplement l'un des grands auteurs nord-américains du XXe siècle. On préférera nettement l’ouvrage beaucoup plus modeste de Patrick MacDonnell, auteur du strip Mutts, modestement titré Krazy Kat, The Comic Art of George Herriman, Abrams, 1986, qui, lui, ne soutient aucune thèse, mais dit clairement et congrument ce qu’on sait de la carrière de Herriman, porte un jugement critique sur son œuvre, et contient l’iconographie que M. Tisserrand se contente de décrire à sa façon.

Source : The Adamantine, (c) PLG, Harry Morgan et Manuel Hirtz

Sommaire du livre

Préface - Marcher dans la beauté [Chris Ware]    p. 1

Note de l'auteur    p. 11

Note du traducteur    p. 11

Sommaire    p. 13

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PREMIÈRE PARTIE - UN MONDE FOU    p. 15

1. Ancêtres    p. 17

2. Perte de limites    p. 41

3. Vu par le garçon de bureau    p. 57

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DEUXIÈME PARTIE : LE CREC    p. 79

4. Origine d'une nouvelle espèce    p. 81

5. Imitations    p. 96

6. Perceurs de billes    p. 112

7. Tad    p. 134

8. Hobo Corner    p. 154

9. Kid Herriman    p. 169

10. Proones, Mooch et Gooseberry Sprig    p. 185

11. Lunettes déformantes    p. 208

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TROISIÈME PARTIE : COCONINO    p. 229

12. Révolutionnaires et dingos    p. 231

13. Kat descendant un escalier    p. 248

14. Le Kat et le vagabond    p. 262

15. Un génie de la « Comic Page »    p. 285

16. Fantastique petit monstre    p. 301

17. Miste    p. 318

18. Le Lot of Fun    p. 334

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QUATRIÈME PARTIE : MARAVILLA    p. 347

19. Complexion d'infériorité    p. 349

20. Avant-poste    p. 368

21. Thé de tigre    p. 389

22. Mare d'ombre pourpre    p. 418

Coda. Un zéphir de l'Ouest    p. 442

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Remerciements    p. 459

Notes    p. 465

Bibliographie    p. 503

Index    p. 517

4e de couverture

« La brique biographique amoureusement mitonnée de Michael Tisserand est essentielle à la bibliothèque de tout amoureux de l’art et des comics. » Art Spiegelman

KRAZY ! Folle entreprise, en effet, que la biographie d’un des auteurs les plus influents mais aussi les plus secrets de la bande dessinée. Influent ?
Des auteurs phares comme Will Eisner, Charles Schulz, Patrick McDonnell, Bill Watterson ou Chris Ware ont abondamment commenté leur dette envers Herriman, et Krazy Kat a été classé premier, en 1999, par le Comics Journal, des 100 meilleurs comics américains du xxe siècle. Mais son rayonnement, traversant le monde des lettres et des arts, dépasse largement le cercle de la bande dessinée.
Secret ? Ainsi que l’a fait remarquer Bill Blackbeard — l’érudit historien des comics, et sauveteur de milliers de planches, grâce à qui nous pouvons lire Krazy Kat — la révélation, en 1971, de l’ascendance créole de Herriman, inscrit comme « colored » (de couleur) sur son bulletin de naissance, a moins résolu de questions qu’elle n’en a fait naître. Et nombre de légendes nées de boutades de Herriman et de ses collègues ont continué de se propager, entretenant mythe et mystère jusqu’à aujourd’hui. Autant dire que la biographie de Michael Tisserand était attendue.
Dix ans de travail, des milliers d’heures à fouiller des archives poussiéreuses et se crever les yeux sur des microfilms obscurs, des dizaines d’entretiens avec membres de la famille, amis et collègues survivants (dont un cartoonist plus que centenaire)… le résultat est à la hauteur des espérances, et bien au-delà. Non seulement le livre de Michael Tisserand comble une immense lacune en révélant enfin dans toute sa richesse les multiples facettes d’un auteur majeur et les ramifications insoupçonnées de son œuvre, mais il éclaire de manière fascinante un moment à la fois capital et méconnu de la bande dessinée. Car comme l’écrivait jadis Patrick McDonnell, l’histoire de Herriman est l’histoire du comic strip. Plus encore, c’est celle de l’Amérique.

Prix conseillé : 28,00 €
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