Emmanuel Guibert, en bonne compagnie

Ce catalogue, accompagnant l'exposition consacrée à Emmanuel Guibert installée au Musée d'Angoulême au premier semestre 2021, s'ouvre sur deux courts textes de préambule, où Jacques Samson, co-auteur du livre dont on imagine qu'il en a eu la charge, engage le propos sur une approche moralisante de l'œuvre de Guibert. Il est alors question d'éthique, d'altruisme, de générosité ou encore d'empathie. Notons que c'est peut-être un danger que porte ce livre, comme cela fut le cas pour la biographie de Cabu par Jean-Luc Porquet : l'excès de bonté, le trop plein d'amitié, dont on peut trouver une évocation amusante dans la chanson entonné par les étudiants chinois de Guibert, « La Vie en rose ». L'ouvrage démarre véritablement sur une chronologie de la vie de Guibert. Si l'exercice de la chronologie est parfois aride, il n'en est rien ici et cette première partie inaugurale se lit plaisamment, ou plus exactement se contemple avec plaisir. En effet, outre les explications textuelles qui ne se contentent pas de brèves périphrases, elle est très illustrée, toutes les reproductions accompagnant très judicieusement le propos (c'est d'ailleurs une constatation qui doit être étendue à l'ensemble du livre, où le choix des images a fait l'objet d'une attention vigilante très bienvenue). L'artiste auquel le livre se consacre n'a pas voulu y être le seul présent, arguant du fait qu'une part importante de son travail s'attache à la peinture d'autruit. Suivent donc cette chronologie dix portraits de dix personnes chères à Guibert, choisies peut-on croire parmi de nombreuses autres. Ces dix textes, portés chacun par le prénom de la personne dont il est question, sont de la plume de Guibert : l'occasion de constater que celui-ci ne sait pas seulement dessiner, mais écrire aussi. On aborde ensuite la longue conversation entre Guibert et Samson, débutant curieusement, puisque le second engage le propos par une question qui s'adresse en réalité à lui-même, et qu'il développe longuement. Heureusement, la volubilité de Guibert reprend rapidement le dessus. En effet, celui-ci n'est pas de ces artistes silencieux. Il parle volontiers, abondamment mais avec précision, ainsi qu'avec un plaisir manifeste et communicatif. Cela rend l'exercice de l'entretien très agréable au lecteur. Au bout d'un moment, comme il l'avait fait dans le livre de Betina Egger (jamais cité ici), Guibert évacue les questions (« tu joues à m'interviewer et je joue à te répondre. Je blablate un peu sur la technique. ») et mène le dialogue là où il le souhaite. Une curiosité : le paragraphe intitulé « L'écriture du dessin » est en réalité consacré largement à l'enfance perpétuelle d'Emmanuel Guibert (le dessinateur parle beaucoup d'enfance, et ce n'est pas sans rapport avec la bande dessinée). Une autre : comme on l'a dit, la question de l'amitié est très largement abordée. Elle dérive vers les lectures. Mais ne sont alors cités par les deux hommes que des romans. Pas de bande dessinée. Après l'entretien viennent trois courts textes de Samson, trois réflexions sur L'Enfance d'Alan. Le livre s'achève par une belle sélection d'images produites dans le cadre des illustrations réalisées par Guibert pour le label musical de Philippe Ghielmetti à qui l'on doit la mise en page du présent livre.