Plantu

Paru peu avant la fin de la collaboration entre Jean Platureux alias Plantu et le quotidien Le Monde, ce livre n'est pas un nouveau recueil de dessins, mais bien un ouvrage qui, quoi que très illustré, est adossé à un long texte d'Éric Fottorino, ancien journaliste au Monde dont il fut ensuite le directeur puis le président du directoire du groupe. C'est en tant que journaliste qu'il fit la connaissance et se lia d'amitié avec le dessinateur, dont il évoque la carrière et en met certains aspects en évidence au travers d'un longue discussion avec l'intéressé. On notera ainsi la vocation contrarié de Plantu pour la bande dessinée : « je suis un enfant d'Hergé et de Charlie Hebdo ». Parmi les dessinateurs ayant collaboré avec ce dernier titre, Plantu indique plus précisément son admiration pour Reiser. C'est au Monde que Plantu a fait toute sa carrière : il y fait paraître son premier dessin en 1972, après avoir déposé des propositions de dessins régulièrement refusées pendant plusieurs mois. Il fait la une pour la première fois en 1978. En 1985, sa présence sur la première page du journal se systématise, et il intègre pleinement la rédaction en laissant derrière lui son statut de pigiste. Plusieurs passages du livre sont donc consacrés aux relations qu'entretenait le dessinateur avec le quotidien. Ainsi, par exemple, on apprend que sa présence en une l'obligeait à illustrer un article sans lui laisser le loisir de s'engager sur n'importe quel terrain. Les sujets non traités lui sont de facto interdits. De même, plusieurs exemples montrent que le positionnement de gauche du quotidien a pu rendre impossible le traitement satirique de certaines personnalités politiques. Enfin, l'épisode de la rencontre avec Yasser Arafat met bien en lumière la considération dont jouit le dessinateur dans la rédaction. Ces entretiens avec Plantu compléteront avantageusement ceux tenus deux ans après, dans le livre de Fabienne Desseux, Traits engagés. De fait, le dessinateur du Monde s'accorde avec ses confrères sur certains points : l'usage de la photo comme solution de facilité non conflictuelle (« un dessin dérangeant dans un journal pouvait être remplacé en une seconde par une photo non dérangeante »), la peur qui s'est installée dans les rédactions (« on choisit le non dérangement total ») ou encore les problèmes que pose la circulation des images, notamment via Internet (« quand un dessin devient globe-trotter sans les codes qui ont présidé à son inspiration, les malentendus les plus tragiques sont à craindre »).